dimanche 21 octobre 2012

Le Gabon - Mûr pour la croissance verte? H2O Gabon cité dans Jeune Afrique



DEVELOPPEMENT DURABLE
 Mûr pour la croissance verte ?

DU 10 AU 16 OCTOBRE 2010 – LE PLUS (24 pages sur le GABON)
Théophile KOUAMOUO
Présent dans toutes ses politiques sectorielles, l'environnement est l'un des principaux piliers de la nouvelle stratégie économique du pays. Et le cheval de bataille préféré du chef de l'Etat sur la scène Internationale.

photo JA : le bassin du Congo, un sanctuaire forestier à n'exploiter qu'avec parcimonie.
Dans le Gabon d'Ali Bongo Ondimba, on ne badine pas avec l'environnement. Le président veille personnellement à ce que ses problématiques soient intégrées dans toutes les politiques sectorielles de développement: de la préservation du patrimoine naturel - dont 22 millions d'hectares de forêts... - aux chantiers d'aménagement, en passant par les projets agricoles et industriels, la formation, le tourisme, les créneaux d'investissement... Tout doit être vert et être pensé vert. L'engagement d'Ali en faveur de la planète ne relève pas d'une soudaine illumination écolo. II s'inscrit dans la continuité d'un choix stratégique fait il y a une dizaine d'années par Omar Bongo Ondimba.
Tout a commencé par la rencontre, en 2002, entre ce dernier et le biologiste américain Mike Fay, de la Wildlife Conservation Society, qui le convainc que les nouveaux enjeux de protection de la nature peuvent à la fois conférer au pays un nouveau poids géopolitique et constituer une source de revenus plus durable que l'exploitation des ressources minières et pétrolières. Quelques mois plus tard, lors du sommet de la Terre de Johannesburg, les Etats-Unis lancent le partenariat pour le bassin du fleuve Congo. Omar Bongo Ondimba en profite pour annoncer qu'il « sanctuarise » 11 % de la superficie du Gabon en créant treize parcs nationaux, et demande un retour financier pour ce « sacerdoce » en faveur de l'équilibre de la planète.
Aujourd'hui, le projet d'Ali lui fait écho. « L'économie verte s'annonce, en effet, comme un des vecteurs de l'économie mondiale du XXIème siècle, et notre pays dispose des atouts pour en devenir un grand acteur, explique celui-ci. Pour cela, nous devons préserver notre forêt et nous assurer que sa contribution à la lutte mondiale centre le changement climatique est rémunérée à sa juste valeur. » Au-delà de ses interventions lors des rencontres internationales, le président multiplie les initiatives pour poser, au niveau national, les jalons d'un Gabon durable. Et vert.
L'interdiction d'exporter le bois en grumes (voir pp. 86-87), outre son impact sur la valeur ajoutée pour l'économie, participe à une volonté de gérer de manière plus raisonnée les espaces et ressources forestières du pays. II s'agit aussi d'identifier et d'évincer les possesseurs de « petits permis », à la lisière de l'informel, et certains, notamment asiatiques, qui exploitent près de la moitié de la forêt gabonaise de manière contestée. Pour le moment, Marc Ona Essangui, le président de l'ONG gabonaise Brainforest, avoue n'être pas convaincu: « On a l'impression qu'il s'agit d'effets d'annonce sans grand  rapport avec la réalité. Dans les faits, on n'a jamais coupé autant de bois au Gabon que ces derniers mois. »
De son côté, le gouvernement persévère. Le 23 septembre, le ministre des Eaux et Forêts, Martin Mabala, et le chef de la délégation de l'Union européenne à Libreville, Thierry Mathisse, ont signé une déclaration commune pour la lutte contre l'exploitation et le commerce illicites de bois. « Ce qui est en jeu, c'est la maîtrise de la chaîne de traçabilité de nos diverses essences forestières, explique Martin Mabala. C'est pourquoi cette initiative représente un outil essentiel pour notre pays, et l'ensemble des Etats d'Afrique centrale. »
HARO SUR LE PLASTIQUE
Autre mesure qui a pris effet, le 1er juillet: l'interdiction d'importer et de commercialiser des sacs plastique non recyclables et non biodégradables, dont la désagréable particularité est de polluer les sols et les nappes phréatiques pendant plus d'un siècle... Là encore, les spécialistes de la société civile reconnaissent les efforts et le bien-fondé de cette mesure, mais regrettent le manque de mesures d'accompagnement, de sensibilisation et, surtout, de concertation dans sa mise en œuvre. « Le ministère de l'Environnement a choisi de retenir la norme "oxD biodégradable", qui désigne les sachets plastique "oxo-biodégradables" parfois utilisés par les fabricants, or ces derniers ne sont pas biodégradables. En effet, ce sont des sacs normaux auxquels on ajoute un additif qui accélère la fragmentation - mais l’agent fragmentant contient des substances chimiques toxiques... Nous aurions préféré que soient imposés par le ministère de l’Environnement des sachets biodégradables et compostables, avec des composants issus de l'agriculture biologique. Une telle décision aurait eu le mérite de respecter la décision prise par le président Ali Bongo Ondimba lors de son déplacement à Port-Gentil, le 3 mars dernier », déplore Henri Michel Auguste, président de l'ONG H2O Gabon.
« C'est le sens de la lettre ouverte que nous avons adressée au président du Gabon le 23 août dernier, explique-t-il, sur laquelle nous attendons toujours à ce jour des explications. »
Au-delà de ces débats d'experts, le Gabonais moyen jugera les nouveaux choix gouvernementaux sur leur impact réel dans la vie quotidienne, comme la réalisation d'infrastructures d'assainissement ou l'amélioration de la collecte des déchets. Les critères d'efficacité économique seront aussi pris en compte. Pour l'instant, les emplois « verts » sont très peu répandus, et le Gabon n'a pas encore réussi à développer une politique touristique fonctionnelle fondée sur la mise en valeur de son patrimoine naturel. Enfin, complexe et encore embryonnaire, le marché des crédits carbone ne finance pas encore assez de projets de préservation de la nature au pays de l'okoumé.
 « On n'a jamais coupé autant de bois que ces derniers mois.»
Marc Ona Essangui, président de Brainforest

DE COPENHAGUE A CANCUN
Cependant, les jalons sont bel et bien posés. Après la conférence de l'ONU sur le climat qui s'est tenue à Copenhague en décembre 2009 et à laquelle il assistait, Ali Bongo Ondimba a lancé, le 26 mai, un Conseil climat pour la formulation d'un plan stratégique de lutte contre le réchauffement climatique. Juste avant son départ pour Oslo, où il a participé à la Conférence Internationale sur la déforestation et le climat.
L'Etat gabonais et l'Agence spatiale européenne (ESA) ont par ailleurs crée, en février, l'Agence gabonaise d'études et d'observation spatiales, dont la mission sera de surveiller, par satellite, l'évolution d'un cercle de plus de 2800 km de diamètre de forêts pluviales. Une station d'étude et d'observation spatiales - pour laquelle 9 millions d'euros ont été débloqués - doit être installée d'ici à décembre 2011 à Owendo, cité portuaire de Libreville, en coopération avec la France et le Brésil.
Du 12 au 19 septembre, le Gabon a accueilli la première conférence panafricaine de haut niveau sur la biodiversité, qui a réuni ministres chargés de l'Environnement et experts de la Banque africaine de développement (BAD) et des Nations unies sur le thème: « Biodiversité et lutte contre la pauvreté: quelles opportunités pour l'Afrique ? » L'occasion pour le chef de l'Etat gabonais de fédérer les responsables politiques et experts du continent à quelques semaines du prochain sommet des Nations unies sur le réchauffement climatique, qui se tiendra à Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre. Le pays, qui vient d'être classé au 9e rang africain du rapport 2010 de l'indice de performance environnementale, représenté par son chef d'Etat, compte bien y défendre sa stratégie de développement durable centrée sur la question forestière et en être le porte-parole régional. •


MINES: AREVA, ERAMET ET LES ERREURS DU PASSE


COMMENT CONCILIER exploitation industrielle des matières premières et préservation des équilibres écologiques? Irradiation, pollution des eaux, disparition de la pêche... Le rapport publié le 16 août par I'ONG Brainforest concernant les impacts de l'exploitation minière sur les populations locales et l'environnement dans le Haut-Ogooue (est du pays) rappelle aux opérateurs et aux pouvoirs publics que les erreurs du passé ont de lourdes conséquences, actuelles, sur l’environnement et la santé.
A Mounana, la Compagnie des mines d'uranium de Franceville (Comuf), filiale du groupe français Areva, a exploité des gisements d'uranium pendant près de quarante ans. Alors qu'elle a cessé ses opérations en 1999, les zones de restriction correspondant aux différents sites de l'usine démantelée ne sont pas respectées. A Moanda, conséquence de l'exploitation du manganèse par la Compagnie minière de I'Ogooue (Comilog), filiale du groupe français Eramet, les eaux de ruissellement sont chargées de résidus miniers et il n'est plus possible de pêcher sur la jadis poissonneuse rivière Moulili.
Dans le contexte de relance des investissements miniers, Brainforest tire la sonnette d'alarme et fait des recommandations. Elle demande notamment à l'Etat d'imposer désormais à toute compagnie voulant exploiter de l'uranium sur le territoire de créer un observatoire de la santé. Début septembre, l’Etat, Areva et le Collectif des anciens travailleurs et miniers de Comuf-Mounana (Catram) ont trouvé un accord pour créer l'Observatoire de la santé de Mounana (OSM), qui étudiera l'impact sanitaire des activités minières de la Comuf sur la santé et l'hygiène de ses anciens collaborateurs et des populations locales. L'assemblée générale constitutive de I'OSM se tiendra à Libreville, le 19 octobre, et son premier conseil d'administration, à Mounana, le 21 octobre.

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